Papillon suivi de La lionne, Yukio Mishima
Editions Gallimard, Folio2€
Traduit du japonais par Ryôji Nakamura et René de Ceccatty
Voilà mon challenge japon débuté par un grand nom de la plume extrême-orientale, à savoir Mishima, que j’apprécie pour son écriture simple mais évocatrice, l’essence même de l’art japonais. Ici deux nouvelles sont réunies : la première au titre éponyme, et la seconde intitulée "La Lionne".
Dans "Papillon", Kiyohara assiste au dernier concert de la talentueuse cantatrice, Mme Butterfly. Il s’égare alors dans ses souvenirs, jusqu’en Italie lors d’un autre concert de la même interprète, où il a rencontré Hanako. Cette nouvelle charmante et poétique réussit à faire en quelques pages seulement l’éloge de l’éphémère, de la mémoire à laquelle la vie fait oublier des choses importantes pour la marquer profondément des instants les plus fugaces.
La nouvelle « La lionne » elle, met en scène un couple dont la relation prendra un tournant tragique. Shigeko ressasse en boucle les évènements traumatisants de la guerre et vivote tant bien que mal sans s’occuper de son fils, supportant mal l’absence de son mari, Hisao, tournant et retournant comme une lionne en cage. Alors qu’elle pensait Hisao en voyage d’affaires, celui-ci se révèle en fait être en train de planifier sa vie avec une autre femme, Tsuneko…
Une nouvelle au dénouement inattendu et absolument exquis !
J’admire énormément Mishima pour sa capacité à écrire des récits légers, ses belles descriptions, tout comme il sait écrire les drames les plus poignants (même chose dans Dojoji). Sans être un coup de cœur non plus, de fortes images me sont restées, et il a su sans conteste me faire passer un bon moment !
"Était-ce l’effet du pouvoir mystérieux qu’avait cette excellente cantatrice, telle une magicienne, de faire naître des illusions à volonté ? Quand elle chantait Un bel di vedremo, on voyait apparaître à ses yeux la couleur de la mer. Sur la mer grossière en carton-pâte, descendaient d’authentiques esprits marins. Les yeux de madame Butterfly n’étaient plus noirs, comme chez les Japonaises. À force de guetter, jour après jour, la mer, ils avaient fini par en prendre la couleur. Mais, comme par un pressentiment, juste avant la tragédie du dernier acte, où même son visage pourrait avoir un teint de mer, elle jetait un regard extatique vers l’éclat aveuglant de la mer en plein jour. Un navire qui lui apporte la tragédie. Ce sont les yeux d’azur transparent de Madame Butterfly qui l’ont attiré. Ce qu’elle attendait, ce n’était pas Pinkerton. En réalité, c’était la tragédie. C’était la mort. Ce qu’elle se consumait à attendre…"
Papillon
Lu dans le cadre du challenge In the Mood for Japan, chez Choco !
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